La Grande Guerre et Ernest Carton : Un Mosellan au service de la France

Le Mosellan de 14-18 qui a choisi la France face à l’Histoire

Ernest Carton : un héros mosellan de la Première Guerre mondiale

Ernest Carton, né en 1893 à Novéant-sur-Moselle, incarne le destin singulier des Mosellans, tiraillés entre deux nations à la suite de l’annexion de leur territoire par l’Allemagne suite au traité de Francfort en 1871. Son engagement volontaire pour la France pendant la Première Guerre mondiale illustre non seulement son courage, mais aussi les choix identitaires complexes auxquels furent confrontés de nombreux habitants de l'Alsace-Lorraine. 

  • Pour comprendre pleinement son parcours, il est essentiel d'analyser le contexte historique de la Moselle entre 1870 et 1918, une période marquée par des bouleversements politiques, culturels et militaires.


Contexte historique de la Moselle (1870-1918)

La Moselle entre France et Allemagne : les conséquences du Traité de Francfort (1871)

Le Traité de Francfort, signé le 10 mai 1871, mit un terme à la guerre franco-prussienne (1870-1871) et consacra l'annexion de l'Alsace-Lorraine, dont la Moselle, par l’Empire allemand. La défaite française à Sedan fut suivie d'une occupation rapide, et près de 1,5 million de Lorrains et Alsaciens devinrent citoyens allemands.

Pour la Moselle, cette annexion fut particulièrement brutale. La région, qui avait toujours été culturellement et linguistiquement mixte (avec un usage courant du français et de dialectes germaniques), fut forcée de s'intégrer à un système impérial allemand. 

Les administrations, l’éducation et la justice furent rapidement germanisées. 

  • La langue française fut interdite dans les écoles et dans les administrations, à l’exception des sermons religieux.

Les autorités allemandes mirent en place une politique d’assimilation culturelle, mais elles rencontrèrent une résistance passive, notamment dans les campagnes mosellanes. Les populations locales restèrent majoritairement fidèles à la culture française, cultivant une opposition silencieuse à l’occupant, malgré les sanctions et le contrôle strict.


Les dilemmes identitaires des Mosellans : rester fidèle à la France ou adopter l’identité allemande

Les Mosellans, et plus largement les Alsaciens-Lorrains, furent placés devant un dilemme identitaire majeur :

  • Rester fidèles à la France, pays auquel ils se sentaient attachés historiquement et culturellement, bien qu’ils fussent désormais citoyens allemands de facto.
  • Accepter l’identité allemande, soit par opportunisme, soit pour éviter des représailles ou des complications administratives.

Ce dilemme fut exacerbé par la politique allemande des "optants" : les habitants de la région annexée avaient jusqu’au 1er octobre 1872 pour choisir de rester en Alsace-Lorraine ou d'émigrer vers la France. Environ 160 000 personnes, appelées "optants", quittèrent la région pour s’installer en territoire français. 

  • Ceux qui restèrent furent souvent perçus comme soumis ou résignés par les autorités françaises, même si leur quotidien attestait davantage de leur attachement à la culture française.

Ernest Carton naquit dans une famille mosellane attachée à la France, mais citoyenne allemande. Ce contexte façonna son éducation et son identité, notamment par opposition au système impérial allemand qui le considérait officiellement comme "Ernst".


Conscription Militaire d'Ernst (Allemande) - 1913

Entscheidung der Ober-Ersatz-Kommission : Décision finale de la commission supérieure
  • Überzählig (Apte au service, mais exempté pour excès de contingent)

Les enjeux de la conscription et les choix face à la Première Guerre mondiale

  • Ces tensions identitaires s'incarnent particulièrement dans le parcours individuel d'hommes comme Ernest Carton, dont les choix reflètent ces déchirements

Avec l’arrivée de la Première Guerre mondiale, les dilemmes identitaires s’accentuèrent. En tant que citoyens allemands, les jeunes Mosellans furent automatiquement soumis à la conscription allemande. 

  • Cependant, certains Mosellans firent le choix de fuir pour éviter de combattre sous le drapeau allemand, parfois au péril de leur vie.

Pour ces jeunes hommes, les options étaient limitées :

  • Combattre dans l'armée allemande, souvent avec réticence, voire en sabotant discrètement l’effort de guerre.
  • Fuir en France ou dans des pays neutres, bien que cela impliquât des risques importants (sanctions pour les familles, perte de biens).
  • Rejoindre volontairement l’armée française, comme le fit Ernest Carton.

Le cas d’Ernest est emblématique. Né dans une région sous domination allemande, il choisit à 20 ans de rejoindre la Légion étrangère française en s’engageant à Nancy en 1913, avant même le déclenchement de la guerre. 

  • Ce choix audacieux montre son attachement profond à la France et à ses valeurs, malgré les pressions culturelles et politiques exercées par l’Empire allemand.

Le contexte historique de la Moselle entre 1870 et 1918 éclaire les choix d’Ernest Carton et de nombreux Mosellans comme lui. Placés au cœur des tensions franco-allemandes, ces hommes et femmes ont dû naviguer entre des identités contraires, des pressions politiques, et des décisions personnelles lourdes de conséquences. 

  • Ce cadre historique permet de mieux comprendre les motivations d’Ernest Carton lorsqu’il s’engagea pour la France en 1913, marquant ainsi son opposition explicite à l’occupation allemande.

Le parcours militaire d’Ernest Carton (1913-1919)

Engagement dans la Légion étrangère (1913-1914)


Volontariat à Nancy et motivations personnelles d’un Mosellan français de cœur

Dans son livret militaire, en 1913 les autorités françaises inscrivent qu’il est 'Réintégré de plein droit'. Cette mention, écrite lors de son engagement, marque la reconnaissance officielle de son retour au statut de citoyen français

  • Pour un Mosellan, originaire d’un territoire annexé par l’Allemagne, cette réintégration symbolisait une rupture nette avec l’identité imposée par l’Empire allemand et une adhésion pleine et entière aux valeurs de la République française. 
  • Ce geste administratif, motivé par son engagement volontaire, souligne également l'importance de l'armée comme outil de réintégration nationale pour les Alsaciens-Mosellans.

D'autre part, Ernest Carton, d'après les informations issues de son livret militaire, était un homme de constitution robuste, reflétant sa capacité à endurer les épreuves physiques imposées par son engagement militaire.

Description physique de son livret militaire Français :
  • Cheveux : Blonds, une caractéristique distinctive, souvent associée à une origine nordique ou à une identité germanique, ce qui pouvait contraster avec son attachement à la France.
  • Yeux : Bleus, qui renforçaient probablement son apparence marquante et son air déterminé.
  • Taille : 1,71 mètre, une stature respectable pour l’époque, qui lui conférait une carrure adaptée aux exigences physiques des combats, notamment dans les régiments de Zouaves et la Légion étrangère, réputés pour leurs missions intensives.
  • Visage : Les registres mentionnent un visage bien proportionné, sans particularités notables qui auraient pu le distinguer davantage.
Condition physique et endurance :

La robustesse d’Ernest est confirmée par son parcours militaire : il a servi dans des environnements difficiles comme les campagnes d’Afrique du Nord (climat aride) et les fronts d’Europe et des Balkans (conditions climatiques extrêmes, terrains accidentés). 


La discipline et le courage nécessaires pour servir dans des unités comme la Légion étrangère ou les Zouaves renforcent l’image d’un homme déterminé, physiquement fort et mentalement résilient.

Cette description, à la fois physique et symbolique, illustre la stature d’Ernest Carton, un homme robuste et déterminé, prêt à faire face aux défis de son époque et de son engagement pour la France.

  • Le 5 octobre 1913, Ernest Carton, alors âgé de 20 ans, s’engage volontairement pour une durée de cinq ans dans la Légion étrangère française
Son lieu d’engagement, Nancy, est hautement symbolique : cette ville, proche de la frontière avec l’Allemagne et située en territoire resté français après 1871, constituait un bastion du patriotisme français dans une région marquée par l’annexion de l’Alsace-Lorraine.

Cette décision courageuse reflète les profondes convictions d’Ernest. Bien que citoyen allemand de fait, il se sentait français de cœur et partageait avec d’autres Mosellans le sentiment d’appartenance à la France. 

  • Cet engagement volontaire dans une unité prestigieuse, mais exigeante, souligne son rejet de l’identité imposée par l’Empire allemand et son désir de servir sous le drapeau tricolore.


Affectation en Afrique du Nord : Missions de pacification en Algérie et Tunisie

À l’issue de sa formation militaire, Ernest Carton est affecté au 2e Régiment Étranger de la Légion étrangère. Ce régiment, basé en Afrique du Nord, jouait un rôle clé dans la sécurisation des colonies françaises.

  • Missions en Algérie : Entre le 30 octobre 1913 et le 31 juillet 1914, Ernest participe à des missions dites de "pacification". Ces opérations, menées dans des zones rurales et parfois hostiles, visaient à maintenir l’ordre dans des territoires où des révoltes tribales sporadiques éclataient encore contre la domination française.
  • Service en Tunisie : Une partie de ses missions se déroula également en Tunisie, alors protectorat français. La présence de la Légion étrangère dans cette région visait à prévenir toute instabilité intérieure ou menace extérieure, notamment dans les zones frontalières avec la Libye, sous domination italienne.

Ces campagnes furent marquées par des conditions difficiles : climat aride, terrains accidentés et défis logistiques constants.


Décorations coloniales : Médaille coloniale avec agrafe « Tunisie »

L’obtention de la médaille coloniale avec agrafe 'Tunisie' souligne l’importance des missions effectuées par Ernest Carton en Afrique du Nord. Dans la Légion étrangère, cette distinction est souvent perçue comme un marqueur d’une première étape réussie dans la carrière militaire, témoignant de l’endurance et du dévouement du légionnaire.

Pour ses services en Afrique du Nord, Ernest Carton reçut la médaille coloniale avec agrafe "Tunisie". Cette distinction, instituée en 1893, récompensait les militaires ayant participé aux campagnes coloniales françaises.

  • L’agrafe "Tunisie" atteste de son engagement spécifique dans cette région.
  • Elle symbolise également la reconnaissance officielle de son dévouement à des missions difficiles, bien que réalisées loin des champs de bataille européens.

Cette décoration, l’une des premières de sa carrière militaire, reflète son rôle dans les campagnes coloniales et son implication totale dès les débuts de son engagement dans la Légion étrangère.

L’engagement volontaire d’Ernest Carton dans la Légion étrangère en 1913 marque le début d’une carrière militaire placée sous le signe de la fidélité à la France. En choisissant de servir dans une unité d’élite en Afrique du Nord, il affirma son opposition à l’identité allemande qui lui avait été imposée. Ses missions de pacification en Algérie et en Tunisie, couronnées par l’attribution de la médaille coloniale, illustrent la valeur de son engagement, malgré les conditions difficiles auxquelles il fut confronté.


La Première Guerre mondiale : Campagnes et batailles

a) Participation sur le front occidental (1914-1917)

Affectation aux régiments de Zouaves (3e, 4e et 2e régiments)

Dès le début de la Première Guerre mondiale, en août 1914, Ernest Carton est transféré des régiments de la Légion étrangère vers les régiments de Zouaves, des unités d’élite de l’armée française. Ces affectations reflètent la confiance accordée à son expérience et à son endurance dans des missions exigeantes. 

Il sert successivement dans :

  • 3e Régiment de Zouaves : Sa première affectation active sur le front, où il participe aux combats dès 1914.
  • 4e Régiment de Zouaves : Régiment réputé pour son rôle dans les grandes offensives françaises, notamment en Artois et en Champagne.
  • 2e Régiment de marche de Zouaves, qui deviendra plus tard le 2e bis régiment de marche de Zouaves, connu pour son engagement sur le front d’Orient à partir de 1916.

Ces régiments étaient déployés en première ligne lors des offensives françaises en raison de leur discipline, de leur bravoure, et de leur capacité à opérer dans des conditions de combat extrêmement difficiles.


Implication dans les batailles sur le front français

Entre le 2 août 1914 et le 11 août 1917, Ernest Carton participe aux combats sur le front occidental, dans plusieurs batailles majeures.

Les premières offensives françaises (1914)
  • Les Zouaves participent activement à la bataille de la Marne (5-13 septembre 1914), où ils jouent un rôle crucial dans le recul des forces allemandes.
  • Engagés dans des combats autour de la Marne et de l’Aisne, ils contribuent à stabiliser le front après les premières avancées ennemies.
Les offensives de 1915


Parmi les engagements marquants des régiments de Zouaves en 1915, la bataille de Neuville-Saint-Vaast (mai-juin 1915) fut particulièrement représentative de leur rôle en première ligne. Cette bataille, qui visait à percer les lignes allemandes près d’Arras, fut caractérisée par des combats acharnés et des pertes considérables, témoignant de la bravoure des Zouaves dans des conditions extrêmement difficiles.

  • En Champagne, les régiments de Zouaves sont en première ligne pour des attaques contre les positions allemandes fortifiées.
  • Ces offensives, bien que coûteuses en vies humaines, témoignent du courage des troupes. 
La guerre d’usure (1916-1917)
  • 1916 : Les Zouaves jouent un rôle lors de la bataille de la Somme.
  • 1917 : Avant son transfert vers le front d’Orient, Ernest sert au sein du 2e Régiment de Zouaves.
Entre 1914 et 1917, Ernest Carton combat dans ces batailles, montrant sa capacité à endurer les conditions terribles de la guerre. 

Ces années s’achèvent par son transfert vers le front d’Orient, une nouvelle étape dans sa carrière militaire.


b) Le front d’Orient (1917-1918)


Historique du 2e régiment de marche de Zouaves (RMZ), devenu le 2e bis régiment de marche de Zouaves

Le 2e régiment de marche de Zouaves, rebaptisé ultérieurement 2e bis régiment de marche de Zouaves, est une unité d’infanterie de choc de l’armée française. 

Son rôle est crucial pendant la Première Guerre mondiale, aussi bien sur le front occidental que sur le front d’Orient.

Formation et organisation :
  • Origine : Créé en 1914 à partir des 4e et 14e bataillons du 2e régiment de Zouaves, avec un état-major et un troisième bataillon venu d’Algérie.
Nomination : Le 4 septembre 1914, désigné comme 2e Régiment de Marche de Zouaves (RMZ), il est renommé 2e bis Régiment de Marche de Zouaves le 21 décembre 1914 pour éviter toute confusion.
  • Objectif : Constitué comme régiment de marche, il permettait de combler les lourdes pertes subies dès le début du conflit.

Engagements majeurs du régiment sur le front occidental (1914-1916)

1914 : Bataille de la Marne (5-13 septembre)

  • Combat acharné dans les secteurs d’Étrépilly, Marcilly, Barcy et Crouy.
  • Contribution décisive au redressement des lignes françaises, stoppant l’avancée allemande vers Paris.
1915 : Batailles en Artois et sur l’Yser
  • Déployé à Carency, Mont-Saint-Éloi, et Neuville-Saint-Vaast, le régiment participe à des offensives majeures contre les lignes ennemies.
  • Lors de l’attaque au gaz sur l’Yser (avril 1915), il subit des pertes sévères, perdant près de la moitié de ses effectifs.

1916 : Bataille de Verdun et préparation pour le front d’Orient

  • Déployé brièvement à Verdun, il est ensuite transféré pour rejoindre l’Armée d’Orient.


Rôle stratégique sur le front d’Orient (1916-1918)

1916 : Arrivée dans l’Armée d’Orient

  • Intégré à l’Armée d’Orient du général Sarrail, il opère autour de Salonique et dans la vallée de la Struma.
1916-1917 : Bataille de Monastir
  • Engagement sur la rive droite de la Cerna, un secteur stratégique.
  • Participe à la prise de Monastir en novembre 1916, puis à la sécurisation des positions jusqu’en mai 1917.

1918 : Consolidation des positions alliées
  • Dernières opérations dans les montagnes de Macédoine, sous des conditions éprouvantes.

Importance dans le parcours d’Ernest Carton

  • Blessé à Ribari le 16 mai 1917, Ernest Carton est évacué après une blessure grave à la jambe gauche.
Cette blessure, symbole des sacrifices consentis par les soldats de l’Armée d’Orient, changea à jamais le cours de la vie d’Ernest Carton


Reconnaissances militaires : Médaille commémorative d’Orient et médaille serbe

  • Médaille commémorative d’Orient : Reconnaissance de sa participation aux campagnes des Balkans.
  • Médaille serbe (1932) : Témoignage de la coopération entre la France et la Serbie pendant la guerre.

c) Retour en France et service dans l’artillerie (1918-1919)

Réaffectation au 86e Régiment d’Artillerie Lourde après la blessure

Après sa convalescence, Ernest Carton est réaffecté en septembre 1918 au 86e Régiment d’Artillerie Lourde (RAL)

Ce changement d’affectation reflète la nécessité de ménager son état de santé, tout en utilisant son expérience militaire.

  • Rôle du 86e RAL : Ce régiment soutient les troupes en première ligne par des tirs de barrage ou des attaques ciblées sur les positions ennemies. 

Les dernières campagnes de la Grande Guerre et leur impact sur Ernest Carton

Ernest sert au sein du 86e RAL jusqu’au 4 novembre 1919, date marquant la fin officielle de son engagement militaire actif. Les derniers mois de la guerre sont marqués par les avancées alliées et l’armistice du 11 novembre 1918, mais le travail des régiments d’artillerie reste intense jusqu’à la démobilisation complète des troupes.

Ernest Carton, après un engagement intense sur le front d’Orient, voit sa carrière militaire transformée par une blessure en 1917. 

Les distinctions obtenues pour ses services en Orient témoignent de son courage et de son dévouement, même dans les conditions les plus éprouvantes.

Conséquences de la guerre et service post-conflit (1920-1939)

Les séquelles physiques et psychologiques


Blessure à la jambe gauche : soins prolongés et invalidité partielle

La blessure qu’Ernest Carton subit à Ribari (Serbie) en mai 1917 marque durablement sa santé.

  • L’éclat d’obus provoque une blessure grave à la jambe gauche, nécessitant des soins prolongés après son évacuation du front.
  • Bien qu’il ait repris le service dans l’artillerie lourde jusqu’en 1919, cette blessure entraîne une invalidité partielle.
Impact psychologique :
  • Comme de nombreux anciens combattants, Ernest est probablement marqué par les traumatismes liés aux combats, en particulier sur le front d’Orient où les conditions étaient extrêmes.

Reconnaissance officielle de son statut d’ancien combattant (certificat de 1939)

Le Certificat du Combattant, délivré en 1939, officialise son statut d’ancien combattant de la Grande Guerre. 

Cette reconnaissance souligne les sacrifices consentis par Ernest pour la France.

  • Elle constitue une reconnaissance symbolique de son engagement volontaire pour la France.

g

Mobilisation et service auxiliaire après la guerre


Disponibilité dans la réserve active et retour à la vie civile (1921-1931)

Après la guerre, Ernest Carton est classé dans la réserve active. Cela signifie qu’il reste mobilisable en cas de conflit ou d’urgence nationale, mais qu’il retourne à une vie civile active dans le secteur privé.

  • Travail civil : Ernest reprend un emploi de conducteur pour la SNCF, continuant à subvenir à ses besoins et à reconstruire sa vie après les années de guerre.
  • Mobilisation potentielle : En tant que réserviste, il n’est pas affecté à une unité active, mais demeure inscrit sur les listes de mobilisation.

Sans affectation dans l’armée territoriale et maintien dans le secteur civil

Dans les années 1930, Ernest n’a plus d’affectation spécifique, même dans l’armée territoriale, où les anciens combattants étaient parfois assignés à des missions locales.

  • Sa blessure, son âge, et sa situation personnelle expliquent cette absence d’affectation active, bien qu’il reste techniquement mobilisable.
  • Il poursuit ainsi son travail de conducteur pour la SNCF, sans interruption notable, tout en étant inscrit dans les registres militaires.

Mobilisation de 1938 au Centre de Mobilisation d’Infanterie n°64

En avril 1938, à l’approche de la Seconde Guerre mondiale, Ernest est brièvement mobilisé par le Centre de Mobilisation d’Infanterie n°64.

  • Contexte : Cette mobilisation était une mesure préventive, visant à préparer les effectifs militaires en cas de conflit imminent.
  • Rôle d’Ernest : Mobilisé en disponibilité "à domicile", il reste chez lui et ne reçoit pas d’affectation opérationnelle. 

Analyse globale et réflexion historique

Ernest Carton : Une figure représentative de Mosellans de 14-18


Une identité tiraillée : Français de cœur, citoyen allemand de fait

Ernest Carton est né en 1893 à Novéant-sur-Moselle, une région annexée par l’Allemagne après le Traité de Francfort (1871). Cette annexion a transformé les habitants de la Moselle en citoyens allemands, les intégrant à un empire qui leur était culturellement et historiquement étranger.

  • Contexte identitaire : Comme de nombreux Mosellans, Ernest était plongé dans un conflit identitaire. Alors que l’administration, les écoles et les institutions allemandes cherchaient à imposer l’assimilation, les traditions culturelles françaises restaient profondément enracinées dans le quotidien.
  • Impact personnel : Ernest, tout en vivant sous domination allemande, conserva une forte fidélité à la France. Son engagement volontaire dans l’armée française, au mépris de son statut de citoyen allemand, est une expression claire de cette résistance intérieure.

Le choix de la France : Une résistance silencieuse à l’annexion allemande

L’engagement volontaire d’Ernest en 1913 dans la Légion étrangère, avant même le déclenchement de la guerre, témoigne d’un rejet actif de l’identité allemande imposée.

  • Symbolique de ce choix : Rejoindre l’armée française représentait un acte de défi face à l’autorité allemande. En refusant de combattre pour l’Empire allemand et en risquant sa vie pour la France, Ernest illustrait un attachement viscéral à la patrie française.
  • Une résistance partagée : Comme lui, de nombreux Mosellans optèrent pour des formes discrètes de résistance, qu’il s’agisse de soutenir la culture française, de refuser l’enrôlement allemand ou, comme Ernest, de s’engager dans les forces françaises.

Les régiments de Zouaves et leur rôle dans la Grande Guerre


Analyse des unités d’élite : Composition, batailles majeures et réputation

Les régiments de Zouaves, auxquels Ernest a été affecté dès 1914, sont emblématiques de l’effort militaire français pendant la Première Guerre mondiale.

  • Origine et composition : Créés au XIXe siècle, ces régiments étaient initialement composés de soldats recrutés en Afrique du Nord, rejoints par des métropolitains. Leur mixité en faisait une force représentative de l’empire colonial français.
  • Batailles majeures : Les Zouaves ont participé à des combats essentiels sur le front occidental (batailles de Champagne, Somme) et sur le front d’Orient (campagne de Serbie). Leur engagement en première ligne, souvent dans des conditions extrêmes, renforça leur réputation d’infanterie d’élite.
  • Réputation et héritage : Connus pour leur discipline et leur bravoure, les régiments de Zouaves sont devenus un symbole de la diversité et de l’unité dans l’armée française.

Contributions spécifiques d’Ernest Carton à ces régiments d’infanterie

En tant que soldat des 3e, 4e, puis 2e régiments de Zouaves, Ernest Carton participa activement à des batailles clés de la Grande Guerre :

  • Sur le front occidental (1914-1917) : Il servit dans les offensives françaises visant à percer les lignes allemandes, comme celles de Champagne et de la Somme.
  • Sur le front d’Orient (1917-1918) : Il joua un rôle direct dans la bataille de Monastir en Serbie, avant d’être blessé. 
Sa présence dans ces régiments témoigne de son courage et de son endurance dans des situations extrêmement difficiles.

Les distinctions militaires : Symboles de reconnaissance et de mémoire


Étude détaillée des médailles reçues par Ernest Carton

Ernest Carton reçut plusieurs distinctions pour son service et ses sacrifices pendant la Grande Guerre :

  • Médaille des blessés : La médaille des blessés de guerre est une décoration militaire française. Elle témoigne de la reconnaissance de la Nation aux militaires blessés à la guerre 

  • Médaille coloniale avec agrafe "Tunisie" : Reconnaît son engagement en Afrique du Nord avant la guerre.

  • Médaille commémorative de la Grande Guerre : Attribuée à tous les soldats français ayant combattu dans le conflit.

  • Médaille commémorative d’Orient : Décernée pour sa participation aux campagnes des Balkans.

  • Médaille interalliée dite "de la Victoire" : Témoignage international de la coopération alliée.        

La reconnaissance serbe : La coopération entre les Alliés sur le front d’Orient

La médaille serbe remise à Ernest en 1932 est une distinction particulière.

Cette médaille, témoignage de la gratitude serbe, renforce l'idée d'une coopération entre alliés sur le front d’Orient, où le rôle des soldats français fut essentiel à la libération de Monastir

  • Contexte de la médaille : Décernée par le gouvernement serbe, elle illustre la gratitude envers les soldats français ayant contribué à la libération de la Serbie face aux forces allemandes et bulgares.
  • Symbolique : Cette médaille met en lumière l’importance des campagnes de l’Armée d’Orient, souvent sous-estimées dans les récits de la Première Guerre mondiale. 

Ernest Carton incarne parfaitement la complexité des Mosellans pendant la Grande Guerre : tiraillés entre deux identités, mais souvent fidèles à leur attachement à la France. 

En un mot

Héritage et mémoire d’un Mosellan héroïque

Ernest Carton incarne à lui seul les déchirements vécus par de nombreuses familles mosellanes pendant la Grande Guerre. 
Né dans une région annexée, il choisit de s’engager volontairement pour la France, affirmant ainsi son attachement indéfectible à sa patrie de cœur, malgré la citoyenneté allemande qui lui avait été imposée.

Son histoire s’inscrit dans un contexte familial marqué par la guerre :
  • Son père, Émile (né en 1883), est resté en Moselle sous l’autorité allemande, subissant la domination impériale au quotidien.
  • Son jeune frère, Heinrich (né en 1895), enrôlé dans l’armée allemande au RIR18, fut envoyé sur le front russe où il trouva la mort en 1916 lors de l’Offensive Broussilov. Ce destin tragique reflète le sort de nombreux jeunes Mosellans contraints de servir un État auquel ils ne s’identifiaient pas.
  • Son frère Adrien (né en 1892), déchu de la nationalité Allemande pour désertion choisit, comme Ernest, de servir la France. Il mit à profit sa maîtrise de l’allemand en travaillant comme interprète pour l’armée française, notamment dans les mines de l’Isère où étaient employés des prisonniers de guerre allemands.
  • Son frère aîné, Alfred (né en 1889), réformé par l’armée allemande en raison d’une paralysie partielle, échappa à l’enrôlement mais vécut sous les contraintes de l’occupation.

Ernest Carton est représentatif des dilemmes identitaires et des tensions familiales dans une région déchirée entre deux nations. 

Ernest des années plus tard avec son cheval

Ernest Carton, avec son parcours, incarne cette mémoire collective, entre fidélité à ses valeurs et résilience face aux tragédies de l’Histoire.
Ernest (à droite) et son seul frère encore vivant, Adrien, en 1944.

Annexes et sources

Documents originaux et archives :
  • Reproduction des documents militaires d’Ernest Carton (livret militaire, campagnes, blessures, décorations).
  • Archives départementales de la Moselle : dossiers militaires et documents relatifs aux optants de l’Alsace-Lorraine après 1871.
Cartographie :
  • Cartes des fronts occidental et d’Orient, avec position des régiments de Zouaves et des unités d’artillerie lourde.

Bibliographie :

Victor Giraud, Histoire de la Grande Guerre, Paris, Hachette, 1920.
  • François Roth, La Lorraine annexée (1870-1918), Metz, Éditions Serpenoise, 2007.
  • Roger Bruge, Les Hommes de la Ligne Maginot : Mosellans et Alsaciens en guerre, Paris, Fayard, 1982.
  • Jean-Noël Grandhomme, L’Alsace-Lorraine dans la Grande Guerre, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2008.
  • Henri Welschinger, La Guerre de 1870 et ses conséquences en Alsace-Lorraine, Paris, Hachette, 1919.

Ressources en ligne :

Portail de l’histoire militaire : www.memoiredeshommes.fr (consultation des fiches de soldats et unités militaires).
  • Études sur les régiments de Zouaves dans la Grande Guerre : publications du Centre de recherche sur l’infanterie coloniale.
  • Base de données des décorations militaires françaises : www.france-phaleristique.com.

Sources complémentaires :

Témoignages sur les soldats de l’Armée d’Orient et des régiments de Zouaves dans les Balkans (collections du Musée de l’Armée, Paris).
  • Études sur les prisonniers allemands en France pendant la Grande Guerre, notamment dans les mines de l’Isère.






Biographie et Généalogie

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De Neuburg à Narajowka : Un Mosellan dans la Grande Guerre - 18e RIR Prussien

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