La part fragile des saisons humaines
La part fragile des saisons
humaines
Les temps difficiles créent des hommes forts, les
hommes forts créent des temps prospères, les temps prospères créent des hommes
faibles, les hommes faibles créent des temps difficiles.
Il y a des phrases qui traversent les siècles comme un
constat silencieux. Les temps difficiles créent des hommes forts, dit-on. Et
c’est vrai qu’au cœur des périodes rugueuses, l’être humain apprend à serrer
les dents, à tenir debout malgré la crainte, à s’appuyer sur l’essentiel. La
force n’est jamais un choix, mais une nécessité.
Puis viennent les jours plus clairs. Les hommes
solides construisent des temps prospères. Ils rebâtissent, transmettent,
stabilisent. Ils savent ce que coûte une saison de tourmente et cherchent à en
préserver les autres. Leur force devient discrète, presque ordinaire, mais elle
soutient tout.
Dans ces périodes apaisées, quelque chose se relâche.
Les temps prospères créent des hommes faibles, non par faute morale, mais par
simple éloignement du danger. Quand la vie n’exige plus d’effort, le sens se
dilue, les gestes perdent leur poids. La fragilité grandit dans le confort.
Alors la boucle se referme. Les hommes faibles créent
des temps difficiles, non par intention, mais parce qu’ils oublient la valeur
du réel, la dureté du monde, la nécessité de veiller. Et chaque époque
recommence ce cycle sans jamais savoir à laquelle elle appartient vraiment.
Dans ce mouvement continu, chacun tente de trouver sa
place. Il n’y a ni héros, ni coupables, seulement des êtres jetés dans leur
époque, cherchant à rester debout. La force n’est jamais donnée. Elle se
construit, se perd, se retrouve. Elle circule de génération en génération comme
un fil tendu entre l’ombre et la lumière.
Ce fil, nous le portons tous un moment. A chacun de le
maintenir, avec dignité, sans bruit, pour ceux qui viendront après.
