Croire encore en la vie
Croire encore en la vie
Je ne crois pas que le monde soit devenu trop dur pour accueillir des enfants. Je crois plutôt qu’il est devenu trop étroit, refermé sur lui-même. Trop calculé aussi. On ne fait plus d’enfants, on en “prévoit”. On pèse le pour et le contre comme s’il s’agissait d’un placement. Pourtant, la vie ne s’est jamais mesurée à l’aune du confort.
Quand je regarde autour de moi, je vois des existences lisses mais fragiles, pleines de peur à l’idée de manquer. Nous avons tant cherché à supprimer le risque que nous avons fini par étouffer le souffle même du vivant. Un enfant, c’est une promesse qui dérange l’ordre que l’on croyait acquis. Il oblige à renoncer à la maîtrise, à accueillir l’imprévisible, parfois l’inquiétude.
Je me souviens d’une époque où la vie se transmettait sans discours. Les enfants arrivaient, les aînés veillaient, la communauté suivait. Personne ne se demandait si c’était “raisonnable” d’avoir un enfant. La question n’était pas économique, mais organique : on faisait confiance à la vie.
Aujourd’hui, cette confiance s’est érodée. Nous vivons plus longtemps, mais avec moins d’élan. Nous parlons d’avenir, mais sans désir d’y prendre part. Je ne veux pas m’y résoudre. J’ai vu dans les yeux d’un enfant la seule chose qui désarme la peur du futur : la joie brute d’être là, sans condition.
Avoir un enfant, ce n’est pas promettre le bonheur. C’est promettre la présence. C’est dire oui au monde, même quand il chancelle. C’est un acte de résistance silencieuse : croire encore que la vie mérite d’être transmise, non parce qu’elle est parfaite, mais parce qu’elle continue.